L’Iliade. Chant 15.
Zeus se réveille dans les bras d’Héra, et se rend compte, que pendant son sommeil, les grecs ont repris le dessus, grâce à Poséidon qui est au milieu de leurs rangs. Ils ont bouté les troyens hors les murailles. Ils les courses à travers champ… Et Hector semble rendre l’âme dans un coin de prairie, suite au coup de pierre envoyé par Ajax.
Colère de Zeus. Héra se fait toute petite. Il faut dire qu’il lui rappelle quelques souvenirs de violences conjugales… On ne sait pas trop si ce Zeus est un bon gars. Perso, j’en doute. J’en doutais déjà. J’amplifie la sensation.
Zeus ordonne à Héra d’arrêter Poséidon. Héra plie immédiatement. La stratégie d’Héra, payante dans un premier temps, s’avère sans issue. Zeus reprend le dessus. Par la force (qu’il n’a même pas besoin de montrer, il l’évoque seulement et tout le monde tremble).
En fait, ici, le détail du « comment-Zeus-arrête-tout » est secondaire.
Ce qui est surprenant c’est que Zeus dévoile l’entièreté de son plan. J’ai noté déjà, dans un chant précédent, que Zeus n’avait pas le souhait de détruire les grecs, qu’il voulait juste glorifier Achille et sa mère, ce qui pouvait sembler paradoxal. Ici, il le confirme. Il demande à Héra d’arrêter Poséidon, ce qu’elle accepte, et il rassure aussitôt Héra en lui disant qu’Hector n’avancerait sur les grecs (en faisant tout de même une boucherie), que jusqu’à l’incendie du premier navire grec. Qu’une fois incendié ce navire, et Patrocle, le compagnon d’Achille, tué par Hector, alors tout rentrerait dans l’ordre : Hector trouverait la mort des mains d’Achille, et les grecs feraient rendre gorge aux troyens jusqu’en leurs murailles, en détruisant totalement Troie.
Autant le dire, à partir d’ici (il reste 9 chants en plus de celui-ci, et on en est au début du 15ème), il n’y a donc plus aucun suspense (bon j’avoue que tout le monde sait que Troie sera détruite, mais enfin, on pouvait imaginer que l’affaire tiendrait en haleine son auditoire jusqu’à la dernière ligne, non). Parce qu’il n’y a aucune raison de penser que les choses ne vont pas se passer exactement comme Zeus vient de le décrire.
Et en effet, Héra arrête Poséidon. Celui-ci regimbe un peu. Et l’on a confirmation que les trois fils de Cronos – Zeus, Poséidon et Hadès – se sont partagé le monde en trois parties (Zeus dans les nuées, Poséidon en mer, et Hadès dans les profondeurs de la terre), pour rester des égaux. Poséidon accepte donc l’ordre de Zeus pour éviter une guerre fratricide, mais n’en pense pas moins. Y a pas de chef, qu’y dit. Même (et surtout) par la force…
A partir de là, les grecs reculent. Ils coursaient les troyens dans la plaine, les voilà qui reculent.
Ils reculent tant et si bien, qu’il se retrouvent dos au mur. Dos à leur mur. Ce mur qu’ils ont construit en espérant qu’il les protège, ce mur les achève. Ils n’arrivent plus à reculer. Ils essayent de s’engouffrer par la porte, l’entonnoir provoque le massacre, et les troyens les y accompagnent. C’est une véritable boucherie. Une fois qu’ils ont tous reculé derrière le mur, celui-ci s’effondre et devient une véritable autoroute pour tous les chars troyens. C’est la déferlante.
Ça fait quand même plusieurs chants qu’on sent que ce mur, c’est pas une bonne idée… Curieux quand même cette certitude des grecs que le mur, c’est pas ça qui protège contre les mexicains…
Le mur s’est effondré. Ajax a beau veiller sur chacun, les troyens avancent avancent avancent et tuent. Les grecs se défendent vaillamment. Et il n’est pas question pour eux d’abandon. Mais voilà, Hector arrive aux navires et demande à ses hommes de bouter le feu.
Chaque fois qu’un troyen approche un navire, la torche à la main, Ajax le tue…
Mais y a-t-il un véritable suspense, puisque Zeus a dit qu’au premier navire enflammé et à la mort de Patrocle, le compagnon d’Achille le ténébreux, le balancier repartirait dans l’autre sens, jusqu’à la destruction totale de Troie ?
Pourquoi donc mettre tant d’énergie dans une défense inutile, quand le recul est indispensable, et que la suite est écrite ? Evidemment, les grecs, eux, l’ignorent. Mais enfin peuvent-ils vraiment l’ignorer ? En tout cas, le poète, lui, nous l’a annoncé depuis les premiers vers du premier chant : le problème de cette neuvième année de guerre de Troie, c’est la colère d’Achille.
Reste donc à savoir quand et comment Achille va se décider à intervenir.