Un court-métrage co-réalisé par Dominique Wittorski et Caroline Guth.
Au cours de sa vie, chacun a ressenti un de ces petits moments de bonheur idéal,
qui naît de préférence des choses minimes, du soleil ou du vent, que l'on reconnaît à ce qu'il ne dure pas,
mais que l'on voudrait pouvoir prolonger, rien qu'un peu...
C'est ce que va tenter Lucie : retenir l'instant, et le soleil avec lui.
Sans penser que vouloir faire durer le bonheur c'est le tuer un peu.
Équipe artistique
Un film co-réalisé par Dominique Wittorski et Caroline Guth
Avec :
Estella Karagevrekis (Lucie)
Dominique Wittorski (Le mari)
Nina et Sacha Wittorski (Les enfants)
L'équipe :
Scénario Caroline Guth
Productrice : Isabelle Mathy
Directeur photo : Dilip Varma/François Poirier
Ingénieur du son : Henri Morelle
Chef monteuse : Gervaise Demeure
Musique : Joël Ruffier des Aimes
Mixage : Philippe Baudhuin
1er assistante réalisation : Murielle Labrosse
Production :
Pétrouchka Films (Paris) - Polichinelle Productions (Bruxelles)
Avec le soutien :
Du C.R.R.A.V -- de l' Agence Culturelle d'Alsace -- de la Communauté Urbaine de Strasbourg
de la Fondation Beaumarchais -- de l'ADAMI
Informations techniques :
Support : 35 mm -- Format : 1,85 -- Son : DOLBY SR
Durée : 10'24" -- Métrage : 297 m -- Couleurs
©2004
Palmarès
Max Linder - Paris 2004
Espace Delvaux - Ciné Apéro - Bruxelles 2004
Média 10/10 - Namur 2004
Festival du Film Court - Lille 2005
Festival espoirs en 35 mm - Mulhouse 2005.
Odyssée - Strasbourg 2005
Kino im Fluss - Saarbrücken 2005.
das Filmfestival auf Saar und Mosel - Trier (Trève) 2005
Cinéfleuve - Metz 2005
C trop court ! Festival du film court - Jeumont 2005
Festival International du Film Francophone - Namur 2005
Amiens International Film festival - Amiens 2005
Notes du réalisateur
Lucie est habitée de deux désirs contradictoires : le désir de goûter le moment présent, et le désir de l’éternité.
Une contradiction terriblement humaine.
A propos du premier de ces désirs :
Jouir du moment présent, voilà ce que l’on peut souhaiter à tout le monde. Et c’est exactement ce que Lucie souhaite. La solitude n’est qu’une conséquence de l’histoire, pas un point de départ. Il ne s’agit pas de décrire une Lucie en rupture de famille, au bout du rouleau conjugal, en dépression, ou fuyant la vie et les réalités qui l’entourent parce qu’envahissantes ou invivables. Non. Lucie désire vivre l’instant présent, un instant qu’elle ressent comme un petit moment de… osons le mot… de bonheur. Evidemment, le bonheur des uns n’est pas celui des autres, et le lecteur pourrait trouver à la description de ce bonheur des couleurs de chromos ou de cartes postales : un pré vert, du soleil, un barbecue, une famille “ spot publicitaire ” (papa, maman et deux enfants…),… un cliché en quelque sorte. Pour moi, il s’agira, au contraire, de décrire plutôt un moment de simplicité où le cocasse rejoint une situation que chacun a pu vivre. Un moment de tranquillité. C’est devenu tellement rare que c’est enviable pour tous. Un moment de vacances qui n’est pas un cliché, puisque les enfants jouent et se disputent comme des enfants, que le feu du barbecue ne prend pas, comme tous les feux, que la fumée qui s’en dégage, bien qu’il ne prenne pas, s’oriente en permanence pour aveugler quelqu’un… Du cocasse dans tout cela, donc. Et puis, s’il y a du chromo, il va vite voler en éclats ! Parce que justement, Lucie va en sortir. Non pour le fuir, mais justement pour le faire durer. C’est paradoxal. Et c’est le type même de paradoxe qui nous habite.
Parce qu’on arrive, là, au second des désirs : celui de l’éternité.
Qui n’a jamais rêvé retenir un peu le moment qui s’enfuit ?
Faire en sorte que le présent s’arrête…
Voilà l’autre désir de Lucie : suspendre le temps, l’arrêter…
C’est la chose la plus fascinante qui soit, celle qui fait le plus envie. Là, à cet instant, une bulle parfaite, ou qui nous semble l’être, et qu’on ne voudrait pas quitter tout de suite.
Qui n’a pas rêvé un été éternel ? Ou avec plus de réalisme (???), une petite rallonge s’il vous plait, les beaux jours passent trop vite !
Lucie, elle, veut retenir le soleil. Non par frivolité, mais parce qu’à cet instant, elle ne se préoccupe plus de la vie qui passe, mais du moment présent à perpétuer infiniment. Non par égoïsme, mais par goût de la plénitude.
En même temps, Lucie n’y pense pas, mais réfléchissons-y : suspendre le temps, la chose la plus fascinante ? Plutôt, la chose la plus terrifiante, non ? Le présent, par définition, est du passé en sursit. Figez-le, et il risque bien de perdre son goût. Qu’est-ce qu’arrêter le temps, si ce n’est mourir ? Disparaître.
Lucie ne désire pas mourir. Elle ne désire pas non plus tout quitter, fuir une famille qui l’encombrerait, un vie qui serait étouffante. Non. Elle ne songe à rien de tout cela.
Lucie est prise par ce désir irrépressible de garder ce qu’elle a, comme elle l’a. Ce qui, au fond, est le contraire de la vie. Qui fuit avec le temps.
Lucie court derrière la lumière parce que c’est un instant idéal de sa vie. Elle court derrière sa vie, donc, ce qui signifie peut-être qu’elle n’est pas dedans. La vie est faite du cycle du soleil qui disparaît pour réapparaître, comme le printemps pousse l’hiver et inversement, comme le fruit qui naît et pourrit, comme Lucie qui disparaîtra de toute façon, un jour ou l’autre… On peut le déplorer, mais alors on est devenu incapable de goûter le présent.
Et voilà donc tout le paradoxe avec lequel nous devons bien vivre : souhaiter que tout – ce qui est heureux - dure, et le craindre en même temps. Puisque cet inévitable désir de vie correspond alors à un angoissant désir de mort.
Pour illustrer ce paradoxe autrement qu’en philosophie pompière, le cinéma est l’outil idéal. Parce que “ Lucie ”, la métaphore n’aura échappé à aucun lecteur, c’est la lumière.
Et, c’est bien connu… Lux fugit
L’essence même du cinéma (du nom de l’inventeur du cinématographe, Louis L., jusqu’à l’indispensable travail du chef opérateur qui expose la pellicule), c’est la lumière. Et elle fuit… Comme le temps.
Et Lucie court derrière la lumière, qui fuit comme le temps. Lucie ne court pas pour fuir mais pour arrêter tout cela. Lucie, c’est donc en même temps la métaphore du cinéma.
Le cinéma, c’est de la lumière et du temps qui passe. C’est-à-dire, au fond, la même chose. Créer un récit cinématographique, c’est maîtriser le temps (l’allonger, le raccourcir, le contracter, l’inverser, ellipser…) avec de la lumière… C’est pourquoi l’irréel rentre dans le récit et que le temps du récit n’est plus le temps d’un soleil réel, mais celui de la course au temps qui passe.
D'un point de vue technique, la bande son doit jouer un rôle immense dans la dramaturgie de cette “disparition”. Elle ne se construira qu’à partir du rêve et non du réel, il n’y aurait donc pas lieu de travailler à partir du son direct (mais présence d’un ingénieur du son pour préparer et alléger le travail de bruitage). Le bruit du ressac pourrait venir ponctuer le film dès le début. Le son d’un walkman que porterait Lucie pourrait nous parvenir, mais pas les interjections et brèves répliques du père ou des enfants (répliques que je n’ai pas écrites puisqu’elles ne sont pas audibles). Cependant, il ne s’agit en aucune façon de réaliser un film muet agrémenté d’une bande musicale.
Dominique Wittorski, co-réalisateur
Ce film est une petite fable sans parole, traitant d’un désir commun à tous les hommes, le désir d’éternité.
Chacun d’entre nous ressent à un moment de sa vie (souvent même à plusieurs…) un instant de bonheur parfait, de bien-être, ou simplement de paix intérieure, qu’il voudrait pouvoir prolonger, rien qu’un peu. C’est ce que va tenter Lucie, le personnage central de cette histoire : retenir l’instant de bonheur, et le soleil avec lui, dans leur fuite inexorable. Nous l’avons tous tenté, « Encore une minute, s’il vous plait, une petite, une dernière, c’est la meilleure… », et nous avons tous lâché prise, raisonnablement. Lucie ira jusqu’au bout, sans réfléchir, toute entière dans l’instant, sans penser que l’éternité est une mort.
Une petite fable… Il n’est pourtant pas question ici, comme on le fait trop souvent de nos jours, de délivrer au spectateur un jugement tout fait, une pensée « prêt-à-porter » sur la façon dont va la vie et ce qu’on doit en faire. Juste une parabole sans morale qui peut faire sourire, ou réfléchir, ou les deux…Un « film miroir », où le spectateur projette sa propre histoire avec ce temps qui passe.
C’est pourquoi j’ai écrit une forme courte, dix minutes de film sans dialogue, pour que seules les images portent, « impressionnent » le spectateur, au sens où la lumière impressionne la pellicule. Aussi parce que l’image est une forme que chacun peut recevoir, malgré les différences de langue ou de culture.
J’ai eu le plaisir de recevoir pour ce projet une bourse de la Fondation Beaumarchais à l’unanimité du jury, ainsi que le soutien de l’Agence culturelle d’Alsace, de la Communauté Urbaine de Strasbourg et de la région Nord-Pas-de-Calais.
Caroline Guth, scénariste et co-réalisatrice