Un texte écrit par Dominique Wittorski.

Vieillir, sous d’autres latitudes, c’est encore acquérir la sagesse et le respect. En Occident, dans un monde qui récuse la mort, c’est la décrépitude annoncée et le plus souvent vécue. Surtout lorsqu’on est une femme. Plus que toute autre confrontée au regard d’autrui, qu’en est-il de la danseuse qui aborde ces rivages ? Qui mieux qu’elle pourrait, à l’instar de Winnie dans Oh, les beaux jours !, souffrir d’avoir été toujours celle qu’elle est et d’être si différente de celle qu’elle était ?

Après tout, oui, cinquante ans est un bel âge pour se poser quelques questions, écouter un peu plus attentivement ce corps qui, il est vrai, a des besoins nouveaux entraînant, faut-il l’avouer, une sorte de paresse créatrice. Paresse?… Où écoute et respect d’une mémoire vivante qui tout en se modifiant a encore plus de choses à raconter ?

Car une réalité en vaut bien une autre et maintenant qu’elles y sont, ne comptez pas sur elles pour y rester. Il faut bien que ces cinquante années, à défaut d’être remarquées, soient toujours remarquables. Sinon, que voudrait dire vieillir ?

Une pièce écrite en 2008
Commande de l'Espace Louis Jouvet - Scène conventionnée des Ardennes - Rethel

Pitch :

"...c'était nul à vingt ans, oui, c’était nul, mais c’était plus-que-parfait. Voilà. Le temps idéal du
passé : le plus-que-parfait.  Pas moi qui l’invente.   Le futur, il est simple, et le passé, plus-que-parfait.
Sauf si t’es un zom’... "
Dominique Wittorski

Distribution :

Ella, au milieu de quelques danseuses..

Vous pouvez trouver tous les détails de mise-en-scène sur la page spectacle dédiée.

À propos du spectacle

Extraits du texte

Court temps mort entre deux phrases de danse.
ELLA : Peux parler ?
L’UNE : C’est indispensable ?
ELLA (rêveuse) : Indispensable…
L’UNE : Est-ce que tu peux faire autrement ?
ELLA : C’est ce que sais faire.
L’UNE : Donc c’est pas indispensable. Plus tard.
ELLA : Pourquoi ?
L’UNE : C’est pas le moment.
ELLA : Et de quoi c’est le moment ?
L’une hausse les épaules et reprend sa place.
Elles dansent à nouveau.
***
ELLA : Moi, suis à part.
Sauf que, parfois, à part, par une sorte de miracle, une sorte d’on ne sait quoi, une sorte de chose étrange, eh bien, à part, on est plusss comme tout le monde que quand on est comme tout le monde.
Là c’est clair, non ? Non. Ah.
Suis à  part, étrange, d’accord, même moi le sais. D’une.
Elles, sont normales. De deux.
Eh bien, parfois, c’est l’étrange qui peut mieux dire le normal que les normales.
C’est étrange.
Parce que l’étrange, il est comme un peu à côté de la Grande Soupe, alors que le normal, il est dedans. Et la soupe, moi, la vois avec d’autres yeux, et lui mets d’autres mots dessus. Alors que elles, pas de mots. Voilà, moi suis à côté de la soupe. C’est mieux pour la boire. Alors que vous, vous êtes dedans la soupe. Et vous êtes bue.
Mmh j’aime bien ça, l’idée d’être bue. Tu glisses dans le Grand Tout. Hop, comme ça, tu t’intègres au Grand Tout. Et même si le Grand Tout, ça ressemble surtout à un gros bazar, tu fais partie du Grand Tout.
Moi, suis pas du Grand Tout. Suis à côté, et c’est ça qui fait que quand je parle du Grand Tout, de ce gros bazar dans lequel on est tous, eh bien, sais pas en parler, pas du tout, tu le vois bien, mais ça te raconte quand même quelque chose de cette Grande Soupe infernale.
C’est dur d’avoir l’impression de pas en être du Grand Tout.
En même temps, quand tu vois qu’elles disent pas un mot, tu te demandes quand même de quel Grand Tout elles font parties…
Pour le Grand Tout, c’est un zom’ qu’il faut être. C’est mieux.
***
ELLA : Une tondeuse à gazon. Démarrer une vieille tondeuse. Pas une sinécure, mais y a un truc. La bougie. Tu la dévisses la bougie. Tu la mets à l’abri pour l’hiver. Puis revient l’herbe qui pousse. Tu remets la bougie. Et puis tu chokes. Mais moi, nous ? Pff. Une tronçonneuse aussi. La bougie, et hop. J’aimerais ça, être une tronçonneuse. Pouvoir encore cisailler quelqu’un. Mais qu’est-ce qu’il me reste ? Deux pauvres couteaux émoussés. T’as vu ?