Jour 9
Aux récits de ses exploits, au chant 8, Ulysse a pleuré. On l’interroge donc sur la raison de ces pleurs. Et Ulysse, enfin, va révéler son identité. Aucun commentaire sur la façon dont ses hôtes reçoivent cette révélation. Le récit d’Homère est muet. Les Phéaciens apprennent au bout de plusieurs jours que l’homme qu’ils reçoivent est un homme qu’ils révèrent. Et pas un mot. Bon bon.
Mais pour expliquer ses larmes, Ulysse va commencer à raconter son odyssée. Il raconte Calypso (c’est donc la fin), puis remonte au début. Il raconte les lotophages. Des mangeurs de fleurs de lotus. Tandis qu’Ulysse et les siens sont mangeurs de viande. Et quand les lotophages font goûter le lotus au membre de l’équipage d’Ulysse, celui-ci
craint que tous se convertissent au véganisme. Et donc à la mort (si si, je vous assure, c’est dit comme ça). Tous fuient. Pourquoi ? Eh bien que chacun se fasse son idée.
Vient alors un deuxième récit, celui du Cyclope.
Il est célèbre et chacun croit le connaître. Un monstre à l’œil unique retient Ulysse et ses compagnons. Celui-ci lui perce l’œil et s’enfuit sous les chèvres…
C’est un résumé un peu court. C’est celui que chacun connait. En fait Ulysse s’aventure sur une île dont il ne connaît pas le maître. Chacun y va de ses supputations. Certains ont peur, d’autres veulent savoir. Et quand l’hôte revient dans la grotte où Ulysse et ses compagnons ont goûté aux fromages, ils s’aperçoivent que c’est un monstre. Deux hommes feront son dîner. Deux autres au petit déjeuner.
Ce qui est drôle, drôle non, mais surprenant, c’est qu’Ulysse, une fois ses quatre compagnons grignotés, aurait pu s’enfuir avec les survivants. Sans problème. Le Cyclope est parti avec ses brebis.
Une incise sur ces brebis : le Cyclope les trait, puis lâche les petits pour qu’ils s’abreuvent aux pis. Le Cyclope, un monstre donc, vit du lait des brebis, et fait du fromage, mais en laisse assez pour que les agneaux puissent boire après qu’il ait pris sa part… Est-ce toujours comme cela aujourd’hui ?
Retour à Ulysse. Il décide de ne pas fuir mais de se venger. De venger la mort des 4 hommes grignotés. Mais surtout, surtout, de se venger d’avoir dû décliner son identité avant même tout accueil. Le Cyclope en effet avait exigé avant toute chose de savoir qui il était, et de qui il était accompagné. Et ça, Zeus ne peut le tolérer. Ulysse lui avait donné donc un nom : Personne. Et c’est donc Personne qui crèvera l’œil du Cyclope. Personne qui restera terré tout le jour au fond de la caverne, plutôt que de fuir, pour pouvoir se venger de l’affront. Ulysse pouvait se barrer sans encombre, mais non il reste. Et le soir, le Cyclope rentrera et grignotera deux hommes de plus.
L’équipage plantera alors un tronc d’olivier dans son œil, et fuira ensuite sous les brebis libérées par le Cyclope incapable de les traire.
Le Cyclope n’a pas respecté les lois de l’accueil.
Et lorsqu’il s’éloigne sur son bateau, Ulysse lui crie son vrai nom. L’identité est donc au cœur de tout ce récit. Et l’accueil encore et toujours.
Que faisons-nous, lorsque nous demandons aux migrants, avant toute chose, leur passeport… un passeport que nous estimons légitime, légal, mais qui n’existait pas il y a cent ans ?