Jour 8
Petite impression que plus personne ne suit mes délires sur la lecture de l’Odyssée. Pas grave, je suis confiné seul, je continue avec ceux qui suivent… C’est déjà pas mal. Il reste au moins 16 jours d’Odyssée. Et le double peut-être de confinement.
Jour 8. Huitième chant.
Et plusieurs constats.
Ulysse s’est échoué (on peut dire ça), sur l’île de Phéacie, au chant 6. D’abord Nausicaa l’a baigné et ramené chez son père. Au chant 7, il s’est trouvé face au Roi de Phéacie, qui l’a nourrit sans rien lui demandé. Et l’a re-baigné. Et nous voilà au chant 8. Et de tout le chant 8, Ulysse ne s’est toujours pas présenté. On le baigne, on le nourrit, on l’héberge. C’est tout. Ça confirme les intuitions des lectures des chants précédents. Il ne dira son nom qu’au chant 9.
Autre constat récurrent :
« Athéna s’en allait par la ville, sous les traits de… », c’est le tout début du chant 8.
« sous les traits de… » … Peu importe qui.
Depuis le premier chant, cette figure est récurrente. Athéna est omniprésente, et dialogue mainte fois avec Ulysse ou avec d’autres. A chaque fois, elle a pris les traits d’un mortel, particulièrement crédible dans la situation. Et même si le héros sait qu’il parle avec Athéna, il a l’image sous ses yeux de son meilleur ami, de son mentor (d’ailleurs Mentor est l’un des personnages), d’un enfant qui le guide… et toutes les paroles d’Athéna ne dénotent pas dans la bouche de cet hôte. Idée peut-être que dans l’ami qui te parle, quelque part, il y a la parole d’un dieu. Ça ne fait pas de la parole de ton ami une certitude. Ulysse se méfie beaucoup de la perfidie de la parole des dieux. Mais ça explique comment les dieux et les mortels partagent le monde dans leur esprit. Et dans le nôtre ? Quelle place a la parole de l’ami ? Ce rapport aux dieux me fait penser au rapport que les kanaks entretiennent avec leurs esprits. Qu’ils voient et que les blancs ne voient pas…
Enfin, un dernier constat, qui amplifie la sensation d’hier… Dans ce huitième épisode, Ulysse est accueilli par les Phéaciens qui le défient dans des jeux quasi-olympiques avant l’heure. Jeux et défis. Entre ces jeux, un aède, un poète, un conteur qui conte les mythes, vient par trois fois conter pour rompre les joutes. Il y a donc trois récits différents. Le premier et le troisième racontent des histoires d’Ulysse et de Troie. Sans savoir que c’est Ulysse qui écoute. Ulysse est en larme. Bien. j’imagine que plus tard nous aurons les conséquences de ces récits. Il y a le récit du cheval de Troie dans l’un de ces deux récits. C’est amusant parce que ce récit se trouve donc dans l’Odyssée, mais qu’il n’est pas dans l’Iliade (qui, pourtant , raconte en détail la guerre de Troie). Bon. Détail peut-être.
Ce qui me surprend c’est le deuxième des trois récits. Qui donne quelques détails de l’histoire d’amour entre Arès et Aphrodite, qui trompe donc là Héphaïstos.
Quelle place ici ?
Vous me direz que le récit du cheval de Troie n’est pas dans l’Iliade mais ici…
Ouif.
Ce qui m’amuse le plus, c’est qu’Arès et Aphrodite, suite à cette aventure cocufiante feront une petite : Harmonie. Et que cette Harmonie deviendra la femme de Cadmos. Je vous parlais de lui hier. Ce sera le fondateur de la ville de Thèbes. Voilà une nouvelle connexion. La Phéacie est gouvernée par un couple consanguin. Et quand, en Phéacie, on raconte à Ulysse des histoires, ou bien on lui parle de lui (à suivre), ou bien on lui parle de la généalogie de Thèbes (dont je vous disais vite fait hier qu’elle me semblait être le problème d’Œdipe, que Phéacie et Thèbes me semblaient liées, que Thèbes souffrira du même problème de consanguinité. Et il faut retenir en plus qu’Œdipe est boiteux, comme Laios et Labdacos dont il est issu, et que l’on appelle Héphaïstos, le cocu de l’affaire dans la relation Arès – Aphrodite qui donnera la vie à Harmonie, la future de Cadmos, donc, on appelle Héphaïstos, le dieux boiteux… Cette Phéacie xénophobe et fermée sur elle-même semble bien être une sorte de préfiguration de la future Thèbes.
Beaucoup de boiteux donc dans ces affaires. Et beaucoup de récits qui ont l’air d’être éloignés alors qu’ils vont chemin.
On ne m’ôtera pas de l’idée qu’ils avaient de la suite dans les idées, ces bons grecs.

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