L’Iliade. Chant 9.
La panique gagne le camp grec. Après la raclée de la veille, en attendant le lendemain qui s’annonce aussi difficile, tous se posent des questions.
Agamemnon, le roi des rois grecs, convoque son monde. Que faire ? Agamemnon, lui-même, parle d’abandon. Diomède, le valeureux combattant des derniers chants, qui a fait la différence malgré l’absence d’Achille, est de de l’avis contraire : qu’Agamemnon fuie s’il le veut, lui et les plus vaillants resteront. Et gagneront la guerre. Troie disparaîtra… parce que c’est écrit. Parce que les dieux le veulent. Non pour une vague histoire d’enlèvement d’Hélène. Voilà qui est dit une nouvelle fois.
Et l’un ou l’autre, ensuite, de parler ouvertement à Agamemnon : le conflit avec Achille n’est certainement pas propice à la victoire. Il faut le ramener parmi les grecs.
Alors Agamemnon, roi des rois grecs proposent mille trésors, propose de rendre Briséis qu’il a enlevé, et propose même de marier sa fille (l’une d’elle, au choix d’Achille) en offrant la dot. La liste des dons fait plus d’une page. Ulysse et Ajax sont chargés d’aller la dire à Achille…
Ajax et Ulysse se rendent chez Achille, qu’ils surprennent chantant les exploits des héros, s’accompagnant de la cithare. Achille n’est pas qu’un guerrier, c’est un poète aussi.
Ils sont reçus avec les honneurs.
Ulysse détaille à Achille les dons d’Agamemnon pour s’excuser d’avoir enlever Briséis à Achille (chant 1). Notez bien, Agamemnon rend Briséis, des femmes en suppléments, et de l’or par tombereaux. Plus une page, redite une nouvelle fois, comme souvent dans cette Iliade, comme dans l’Ulyssée.
Le deal est là. Acceptera, acceptera pas ? On est au chant 9. Il en reste 15.
Achille a été humilié par Agamemnon au chant 1. Et à cet instant, il ne compte pas faire passer l’humiliation contre des dons, fussent-ils énormes.
Achille refuse tout bonnement le deal. Avec verdeur. Il détaille sa colère. Et menace de rentrer chez lui, dès le lendemain, en laissant Agamemnon se démerder avec ses murailles, contre les troyens. L’humiliation d’Agamemnon n’a pas de prix pour Achille.
Alors Phénix, l’éducateur d’Achille, son second père, lui fait le récit de sa propre vie, et des dégâts de la haine et de la rancœur. Et il lui dit, Phénix, qu’il doit accepter le pardon. Que l’entêtement est coupable. Et que faute d’accepter les dons pour salaire de l’humiliation, Achille, un peu plus tard, parce qu’il faudra se battre, ira se battre, mais sans plus aucun salaire, et parce que la vie de tous en dépendra. Et comme la vie de tous en dépend déjà, alors autant y aller tout de suite, pour un salaire qui n’est pas négligeable.
L’argument a son poids.
Mais Achille reste intraitable.
Ulysse et Ajax repartent au camp d’Agamemnon pour rapporter la mauvaise nouvelle.
Phénix reste dormir avec Achille, redoutant son départ dès l’aube, pour un retour sain et sauf en son pays, mais sans aucune gloire (or chacun sait qu’Achille a été désigné par les dieux pour mourir couvert de gloire lors de la guerre de Troie).
Enfin voilà ! L’idée de tous les grecs était de faire rentrer Achille dans les rangs des guerriers, pour supporter l’assaut de demain… Achille n’intègrera pas les rangs… Diomède reproche à Agamemnon d’avoir tenter un rapprochement illusoire avec Achille. Demain, lui, il sera là. Comme tous les autres grecs, dit-il, sauf Achille, et il s’en fout.
Tous vont dormir malgré tout.
Et s’il y a bien une chose qui différencie Diomède d’Achille, c’est qu’Achille prétend toujours que la guerre est menée pour récupérer Hélène, et qu’à ce compte il n’avait pas à perdre Briséis (qu’on lui rend d’ailleurs – mais il n’en veut plus). Alors que Diomède prétend lui que la guerre de Troie n’a rien à voir avec ces querelles. Qu’il faut abattre Troie, point. Les dieux le veulent. Et il n’est pas inconséquent de penser avec Diomède qu’il a plus raison qu’Achille. Troie doit manifestement tomber. Et l’affaire des femmes semblent de plus en plus secondaire. Disons même carrément improbable. Mais de plus en plus un écran que les hommes agitent pour n’avoir pas à réfléchir à la vraie cause de la guerre.