Dominique WITTORSKI
est acteur, dramaturge, metteur-en-scène et cinéaste.
Provisoirement, par intermittence et avec toute la flexibilité que la société d'aujourd'hui réclame.
Il sort en 1991 de la prestigieuse école nationale de Belgique, l’INSAS (Institut National Supérieur des Arts du Spectacle), avec l’équivalent d’un Premier Prix en Interprétation dramatique.
Le métier de comédien est, par essence, un métier à trous. Dominique les remplit en écrivant. D’abord des courts métrages pour le cinéma : «Correspondance» recevra deux prix au festival international de Bruxelles. Son premier texte dramatique, «Katowice-Eldorado», est ensuite distingué du second Prix Dramaturgie du Monde, de Radio France International.
Aussitôt, le Centre National des Ecritures du Spectacle, la Chartreuse, à Villeneuve-les- Avignon, l’invite en résidence de création. Cela donnera « Vermeer, beau bleu » également primé et publié. C’est alors le CEAD de Montréal qui invite Dominique Wittorski à venir écrire en résidence au Québec. «ReQuiem (with a happy end» sera publié chez Actes Sud Papiers, et primé également.
De retour en France, Dominique écrit «Ohne» sur une commande de France-Culture. La diffusion est un succès. C’est alors que le Théâtre des 2 Rives (CDR de Rouen) et l’Atelier Jean Vilar (première scène nationale de Belgique, en décentralisation) offrent à Dominique Wittorski les moyens de sa première mise en scène, pour qu’il monte ses propres textes. « Ohne » est un gros succès public et critique. Le texte est publié chez Actes Sud-Papiers. Il y aura plus de 200 représentations en France, en Belgique, et dans les DOM-TOM.
Dès lors les commandes d’écriture s’enchaîneront : pour des univers très différents, comme « Fleurs de cimetière et autres sornettes », un texte écrit pour une compagnie de danse (la chorégraphe Myriam Hervé-Gil). Le succès public ne se dément pas.
Il y aura encore «Modeste contribution» que mettra en scène Jean- Marie Lejude. Spectacle qui dépasse aujourd’hui les cent représentations...
Les métiers d’acteur, de dramaturge et de metteur en scène se mêlent.
Pour l’un de ses derniers spectacles, Dominique Wittorski a mis en scène une réécriture de la mythologie grecque, autour de la ville de Thèbes et d’Œdipe : «L’Homme semé» très actuel dans sa revisitation des questions de la place de l’étranger dans nos organisations de vivre ensemble. Ce spectacle est parti en 2014 à Nouméa, en Nouvelle- Calédonie, pour une longue série de représentations et une confrontation de la mythologie grecque avec la mythologie mélanésienne. Un même enthousiasme y unit les lycéens et les spectateurs avertis.
Aujourd’hui Dominique se consacre à un projet qui interroge écologie, agriculture et production alimentaire, dans un va-et-vient entre la mythologie et le concret des agriculteurs d’aujourd’hui. Ce travail a commencé par un travail d’enquête et de rencontre, un recueil de paroles d’agriculteurs.
Il se poursuit dans la rédaction de « Taw ! ».
" Au plus proche d’une réalité (trop) souvent absente des plateaux de théâtre : celle des immigrés, des sans-emploi, des ombres – éboueurs, balayeurs, agents d’entretien – qui peuplent nos villes et nos vies. Que l’on ne voit plus. A ceux-là, rendus muets par la surdité du monde qui les entourent, il tente de rendre une parole et une langue.
Profondément engagée, son écriture laisse apparaître en filigrane ce que l’on imagine être sa propre histoire, une histoire d’enfant d’immigrés polonais, venus chercher en Flandres des lendemains qui chantent.
De cette culture polonaise, on retrouve – peut-être – la trace dans l’extraordinaire vitalité des morts qui peuplent ses pièces : en langue polonaise, on ne dit jamais de quelqu’un qu’il « est mort » (« umarli »), mais qu’il « ne vit plus » (« nie zyje »)... Force est de constater que cette brèche linguistique est l’interstice par où se glissent personnages et éléments clefs...
Motifs de la perte, de l’exil, de l’incommunicabilité. Dominique Wittorski se confronte, nous confronte à travers ses écrits et ses réalisations cinématographiques, à des sujets graves – chômage, deuil, trafic d’organes...– avec toujours, un salutaire humour noir, taillé « à même la langue ». Cette langue des “sans-voix”, des “plus en vie”, est sans cesse réinventée : dans Ohne, seuls les morts maîtrisent la syntaxe... Libérés qu’ils sont des travers administratifs et autres délits de faciès. La langue L’existence est faite de hasards (heureux !) et de rencontres..."
Laure Abramovici