1. Carte du Croissant Fertile : la révolution néolithique
Cette carte montre d’où est partie l’invention de l’agriculture et de l’élevage, et comment elle s’est étendue : de l’Iran vers les bords de la Méditerranée.
La Phénicie, qui inclut aussi « Canaan » fait partie des premiers territoire de conquête.
C’est de là que partent les 5 fils d’Agénor, fils de Poséidon, dieu chthonien.
2. Au néolithique, l’invention de la vache, animal d’élevage.
Toutes nos vaches descendraient de 80 aurochs !
Par Quentin Mauguit, Futura-Sciences
Les bovins auraient été domestiqués au Proche-Orient il y a 10.500 ans. Grâce à l’extraction d’ADN mitochondrial d’ossements trouvés en Iran, nous savons maintenant que toutes nos vaches actuelles descendent de 80 aurochs sauvages. Les Hommes de l’époque auraient-ils eu du mal à les capturer et à les maintenir en captivité ?
L’étude de la domestication des animaux peut être réalisée de multiples manières. L’analyse de peintures rupestres ou de divers caractères morphologiques observés sur des ossements en sont deux exemples. De nombreux indices s’accordent pour situer les premières domestications de la plupart des espèces animales élevées à ce jour au Proche-Orient. Les moutons, les chèvres et les cochons auraient été apprivoisés par l’Homme il y a 11.000 à 10.500 ans. Les ovins seraient arrivés en Europe seulement 6.000 ans avant J.-C. Et les vaches alors ? Domestiquées à la même époque et descendant d'aurochs sauvages, elles seraient probablement originaires d’Iran.
Les méthodes archéologiques habituelles, bien que d’une redoutable efficacité, ne peuvent malheureusement pas déterminer précisément le nombre d’animaux domestiqués durant le développement de l’élevage par l’Homme. Cette information est pourtant importante. Une valeur élevée signifie que la capture d’animaux (puis leur maintien en captivité) était concrètement simple et répandue. À l’inverse, un petit nombre signifie que la démarche était complexe. Heureusement, une autre discipline scientifique peut venir en aide aux archéologues : la génétique.
Grâce à des ossements trouvés en Iran, et à l’ADN qu’ils contenaient, une équipe de chercheurs menée par Ruth Bollongino, travaillant pour le CNRS, le Muséum national d'histoire naturelle et l’institut d’anthropologie de l’université de Mainz (Allemagne), a pu retracer la généalogie de nos vaches domestiques Bos taurus. Elles descendraient toutes d’environ 80 aurochs sauvages ! Ce résultat est présenté dans la revue Molecular Biology and Evolution.
L’ADN révèle la généalogie des vaches
Les ossements trouvés appartiennent précisément à 15 bovins ayant vécu entre le Néolithique et l'âge de fer iranien. Les chercheurs ont réussi à en extraire de l’ADN mitochondrial. Une chance, car l’ADN résiste mal à la chaleur. La plupart du temps, les animaux morts depuis des milliers d'années ne fournissent des informations génétiques que s'ils ont été conservés dans des régions froides, comme en témoignent les études faites sur les mammouths.
L’ADN extrait des restes d’os a été séquencé puis comparé à celui de bovins vivant à ce jour grâce à des simulations dites de coalescences et à l’emploi d’algorithmes bayésiens. Les méthodes d’analyse ont exploité le nombre de mutations survenues au cours des 10.500 dernières années. En tout, quelque 22.000 gènes ont été passés à la loupe. C’est ainsi que les résultats sont tombés : 80 spécimens sont à la base de la généalogie de nos vaches.
Ce nombre paraît faible mais il est cohérent avec la taille de l’aire géographique abritant les premières traces de domestication bovine, une zone comprise entre les hautes vallées du Tigre et de l’Euphrate. Il est vrai que l’aire de répartition des aurochs était vaste et qu’ils devaient vivre en grand nombre, fournissant ainsi à l’Homme de multiples opportunités de captures. Mais il ne faut pas oublier un fait que rappelle Joachim Burger, un des coauteurs de l’étude : les aurochs étaient plus grands, et probablement moins dociles, que nos vaches actuelles. Leur capture devait donc être difficile, tout comme leur maintien en captivité.
La génétique révèle que les vaches étaient presque impossibles à domestiquer.
Les vaches sont très probablement l’animal domestiqué le plus important dans l’histoire humaine, offrant de vastes quantités de viande, produits laitiers, cuir et n’oublions pas le fumier comme engrais. Et pourtant, l’analyse ADN révèle que l’homme antique a failli ne pas réussir du tout à domestiquer les vaches.
Il y a environ 1,3 milliard de vaches dans le monde d’aujourd’hui. Cela fait un sacré contraste, avec la première population de bovins qui devaient être de 80 têtes, il y a 10 500 ans. C’est la nouvelle constatation d’une équipe de Britanniques, de Français et de chercheurs allemands, qui ont extrait l’ADN à partir d’os de vache provenant d’un site archéologique iranien qui remonte à peu de temps après la domestication des vaches.
Ils ont découvert que les différences entre les anciennes et nouvelles séquences d’ADN de bovins étaient si infimes que le seul moyen de les expliquer serait que la population d’origine des bovins ait été extrêmement faible, avec une estimation probable de 80 ruminants. Comme les chercheurs l’expliquent dans leur document (lien plus bas), depuis le processus de domestication qui s’est étalé sur 1000 ans ou plus, cela représente l’ajout de deux nouvelles têtes de bétail à chaque génération.
C’est une recette pour une très faible diversité génétique et pourtant il semble que pratiquement chaque vache vivante peut revendiquer d’avoir comme origine une de ces 80 vaches et pas une autre. C’est un témoignage sur la façon dont les humains maitrisaient l’élevage de bovins, pour que cette population ait survécu et prospéré comme elle la fait, alors que ces vaches étaient effectivement domestiquées dans un goulot d’étranglement.
Pour mettre cela en perspective, un de leurs homologues sauvages, le bison d’Amérique, avait presque disparu à la fin du 19e siècle et sa population n’a jamais plongé en dessous d’environ 750 individus, près de dix fois la population fondatrice du bétail. Il y a des exemples récents d’espèces dont la population a chuté en dessous de 80, le bison d’Europe et l’éléphant de mer du Nord ont chacun d’eux chuté à 30 et malgré une lente récupération, ils continuent de se trainer sur les bords de l’extinction.
80 vaches au départ, n’auraient laissé aucune marge d’erreur à leurs éleveurs, en termes de maintien de la diversité génétique et pourtant nous avons aujourd’hui des milliards de vaches, révélant à quel point ils ont remarquablement bien réussi à faire grandir la population. Le fait que tous les bovins descendent, apparemment, d’un évènement unique de domestication est également inhabituel, pour la plupart des autres animaux domestiques comme les chevaux ou les chiens, il y a de bonnes preuves pour appuyer des évènements de domestication multiples, même si certains lignages ont finalement disparu. Mais nous savons, par l’analyse des anciens ossements du bétail iraniens, que toutes les vaches à travers l’histoire ne venaient probablement que de cette seule population.
La raison la plus probable serait que les ancêtres sauvages des vaches, connus sous le nom d’aurochs, étaient presque trop sauvages pour être domestiqués. Bien que les enregistrements archéologiques montrent clairement que l’aurochs parcourait toute l’Europe et l’Asie, il semble que la plupart des tentatives de domestication est échouée ou que l’homme avait autre chose à faire que d’essayer d’apprivoiser ces créatures.
Le coauteur de l’étude Joachim Burger de l’université Johannes Gutenberg de Mayence (Allemagne) explique simplement ce qui rendait ces animaux si difficiles à gérer :
Les aurochs sauvages sont des bêtes très différentes des bovins domestiques modernes. Ils étaient beaucoup plus grands que les bovins modernes et n’auraient pas eu les traits que nous observons aujourd’hui, comme la docilité. Donc la capture de ces animaux n’aurait pas été facile et même si certaines personnes ont réussi à les capturer en vie, leur gestion continue et l’élevage aurait encore présenté des défis considérables, jusqu’à ce qu’ils aient été élevés pour atteindre de plus petite taille et un comportement plus docile.
Une partie de la raison pour laquelle une seule population domestiquée du bétail a émergé pourrait provenir des exigences particulières auxquelles devaient répondre les humains. Contrairement à, disons, un élevage de chèvres, les défis particuliers pour la capture d’aurochs et les contenants/hébergement auraient été extrêmement compliqués à mettre en place pour des sociétés de chasseurs-cueilleurs, qui représentaient la grande majorité des populations humaines à travers l’Eurasie il y a 10 000 ans. Les quelques groupes sédentaires agricoles qui sont apparus auraient été les seuls capables de maitriser cette domestication.
Dans leur article, les chercheurs esquissent le probable scénario de cette singulière domestication des bovins :
La domestication et la gestion de ces quelques bovins sauvages sur quelques siècles auraient pu être réalisées par un petit groupe à taille humaine, comme dans de petits villages néolithiques. Les deux sites présentant les premiers signes de la domestication des aurochs sauvages, Dja’de et Cayonü, sont à moins de 250 km de distance. La proximité de ces sites permet l’échange local des premières techniques de gestion du bétail et, éventuellement, des bovins eux-mêmes, supportant l’hypothèse d’une origine restreinte des bovins. Fait intéressant, les signes archéologiques de la sédentarité au cours du 9e millénaire av. J.-C. sont limités à la même région (Cauvin, 1994). Il est concevable que la gestion des bovins sauvages fût trop difficile pour la population mobile des zones montagneuses aux alentour où la chèvre était l’espèce domestiquée préférée. Une autre explication possible de ce faible nombre de femelles domestiquées, c’est que la gestion des grands, agressifs et territoriaux aurochs sauvages était trop complexe pour être plus largement diffusé avant la reproduction des caractéristiques dociles.
Les chercheurs ont également écrit qu’il était possible que d’autres tentatives de domestication des bovins aient été tentées, mais celles-ci ont échoué en raison de la difficulté à gérer les aurochs. Quel que soit précisément le cas, ils concluent que "le faible nombre de progéniteurs indique que le succès dans la domestication du bétail était un phénomène limité au Proche-Orient.
Bien sûr, il est difficile d’imaginer ces 10 000 dernières années de la civilisation humaine sans bétail. Très probablement, si cette tentative d’apprivoiser les aurochs avait échoué, une autre tentative aurait été effectuée et éventuellement le bétail aurait émergé. Les vaches ont des particularités trop précieuses, contribuant à une société agricole, pour qu’elles ne soit pas domestiquées tôt ou tard. Mais ces 80 bovins d’origines sont un bon rappel sur cette mince différence, sur le fil du rasoir, entre le succès et l’échec qui pouvait être présent tout au long de l’histoire humaine et à quel point nos ancêtres se sont montrés brillant pour réussir à apprivoiser une bête sauvage, même si cela signifiait mille ans de travail.
L’étude publiée sur Molecular Biology and Evolution : Modern Taurine Cattle descended from small number of Near-Eastern founders.
3. Au néolithique, une conséquence de la sédentarisation : une démographie galopante :
De plus en plus d'enfants
Depuis longtemps les scientifiques ont pensé que le Néolithique avait vu les populations augmenter de manière importante. Les preuves manquaient pour prouver cet accroissement démographique.
Une récente étude du CNRS, menée par deux anthopologues-démographes (Jean-Pierre Bocquest-Appel et Stephan Naji) apportent les éléments prouvant que la sédentarisation a eu un effet sur les populations.
Les chercheurs ont étudié de manière statistique des dizaines de cimetières méso et néolithiques. La proportion de squelettes en bas âge (enfants et adolescents) atteint 30% du total 600 à 800 ans après l'avènement du Néolithique. C'est 10% de plus que pour la période précédente (le Mésolithique).
Pourquoi cette hausse de la natalité ?
Cette augmentation du rapport se retrouve dans différentes régions du monde et toujours après la sédentarisation. Pour expliquer ce véritable baby-boom les chercheurs indiquent que la sédentarisation a séparé les bébés de leur mère, le sevrage devenant plus précoce... En effet au Paléolithique, les nomades transportent leurs enfants avec eux, maintenant un contact quasi perpétuel du bébé avec sa mère. La période d'allaitement est donc plus longue et la femme ne peut enfanter à nouveau.
Avec la sédentarisation, le bébé est plus souvent éloigné de sa mère, et celle-ci redevient plus rapidement fertile pour de nouvelles grossesses. La fertilité peut ainsi être portée à plus de huit enfants par femme.
Dans un premier temps cette hausse de la natalité a certainement apporté une surmortalité infantile : il n'y avait pas assez de nourriture pour tous.
Nos ancêtres du Néolithique se seraient alors tournés vers d'autres sources d'alimentation : l'agriculture et l'élevage...
«C'est la crise démographique due au trop grand nombre d'enfants qui a certainement conduit à l'adoption de ce nouveau moyen de production. Ce dernier a ensuite intensifié la sédentarisation, laquelle a augmenté encore la fécondité. Une sorte de processus qui s'est auto-alimenté.»
4. Bibliographie :
On se reportera avec intérêt aux ouvrages suivants :
- L’Œdipe roi de Sophocle, de Jean Bollock – texte grec, traduction et paraphrase argumentée (4 volumes)
- Anthropologie structurale, de Claude Lévi-Strauss
- Nature, culture et société (les structures élémentaires de la parenté), de Claude Lévi-Strauss – La prohibition de l’inceste
- Les mythes grecs – Robert Graves – Edition Fayard.